- L'enlèvement"- Une mission parmi d'autres:
- Le regard d’Anthalya se perdit sur l’horizon désertique alternant ergs voluptueux et regs brûlants et arides. Alik’r était majestueux à cet instant qui oscillait entre le feu de Magnus et l’ombre du crépuscule descendant. Bientôt jailliraient Masser et Secunda, les lunes de Nirn.
Dans son dos, elle savait qu’un simple regard la ramènerait vers un autre monde, plus ancien de par les souvenirs que conservaient son peuple. L’océan elthérique où Yokuda la suicidée n’était plus que vestiges. Seules quelques îles parsemant l’Ouest de Tamriel gisaient comme un rappel, une épine à jamais plantée dans le cœur des Yokudéens. Ra-Gada. La Vague Guerrière. Un fantôme issu du passé des Rougegardes à ses yeux.
La guerrière se redressa de sa position. Elle s’était mise à l’affût pour observer un couple de harpies qui semblait avoir eu l’idée farfelue de s’installer à quelques pas de son bivouac. Anthalya avait dressé ce dernier non loin de la côte, à la limite entre la plage et les dunes qui menaient à Hegathe. Elle avait laissé la maison de sa mère proche de Dragon Grove, pour une mission précise et bien payée et ces horribles volatiles risquaient de devenir un problème.
Si elle avait dissimulé sa petite tente et ses affaires au mieux afin qu’ils se confondent avec le paysage et si elle s’était elle-même vêtue de lin et de vêtements qui la camouflaient, ce n’était pas pour se faire sauter dessus par des harpies malodorantes dés qu’elle ferait quelque pas dans la direction voulue au risque d’ameuter tout le voisinage, loups des steppes, crabes égarés, serpents et musaraignes des sables inclus. Sans compter, et c’est ce qui lui posait problème, le risque de dissuader le mercenaire qui devait la guider vers son objectif.
Ça aurait été simple si le mercenaire en question savait qu’il allait devoir jouer les accompagnateurs mais il ignorait que la missive qui lui avait été envoyée, signée par le marchand victime du chantage en cours, avait été écrit de la main de la rougegarde.
Si tout se déroulait dans le temps voulu, il restait peu de temps à Anthalya pour régler son problème et le sort des oiseaux trop affreux pour être chanceux. Elle actionna un rivet précis sur chacun des protèges poignets imposants qui ornaient ses avant bras et deux lames courbes apparurent dans un clic à peine audible. Ces armes étaient anciennes et affutées comme des rasoirs. Mais tout chevalier dragon qui se respecte et tout descendant de Yokuda sait prendre soin de ses armes. Elles peuvent lui sauver la vie à tout moment. Les lames, montées ainsi, avaient le gros avantage de lui laisser les mains libres pour invoquer sa magie du feu ou le pouvoir de l’âme qui rechargerait ses gemmes de puissance.
Aussi vive qu’un smilodon bondissant sur sa proie, elle percuta de sa première lame la femelle harpie qui s’écroula en se vidant de son sang dans le silence lourd du désert. Silence qui fut un instant déchiré par le mâle furieux qui se jeta sur la guerrière. Elle esquiva, mais malgré sa rapidité, elle avait sous estimée la rage et l’abnégation de la bête qui lui entailla légèrement le biceps droit. Il n’eut pas le temps de récidiver qu’il gisait déjà près de sa femelle.
Le silence était revenu d’un coup. Feutré, plus léger qu’auparavant, dans l’air qui rafraîchissait et deviendrait bientôt glacial sous les étoiles. Seul son propre souffle accordé aux battements de son cœur qui revenaient à la normal parvenait aux oreille de la rougegarde.
Anthalya s’empara d’un morceau de tissu propre et d’une potion de soin bien cachés dans sa ceinture et nettoya sa blessure somme toute légère. Ses tatouages étaient à peine égratignés mais il valait mieux éviter toute infection. Puis elle pris la direction de son rendez-vous.
Accroupi derrière une dune, elle entendit le mercenaire arriver. Il avait le pas léger et sur. Il était dissimulé sous un manteau léger mais large, de couleur sombre et une capuche cachait ses traits. Il sembla s’impatienter rapidement et fini par lui tourner le dos, le regard perdu vers les falaises et l’Océan Elthérique. Anthalya se glissa derrière lui sans un bruit.
Quand la lame d’un cimeterre se glissa sous son manteau, le mercenaire ne broncha même pas. Même son souffle ne varia pas d’un iota.
- Tu n’es pas le marchand que j’attendais... Où alors il à fait un régime drastique et appris la furtivité rougegarde ! Lança une voix féminine pleine de douceur.
Anthalya cilla sous la surprise. Elle s’était attendue à voir un homme car le marchand lui avait décrit le responsable de l’enlèvement en assurant qu’il travaillait seul.
- Qui es-tu ? Je m’attendais à voir Gogan Mirrel. Il est censé travailler seul.
- Il semblerait que non puisque je suis là. Mon nom est Sherina. Tu comptes rester ainsi toute la nuit ou bien ? Tu as l’avantage alors profites en.
Anthalya attrapa une cordelette de cuir à sa ceinture et passant son bras libre par delà la taille de la mercenaire lui lia rapidement les poignets avant de l’obliger à s’agenouiller. Alors seulement, elle passa devant pour lui faire face. Du bout de sa lame, elle fit descendre la capuche qui révéla un visage jeune et plutôt agréable orné d’un regard bleu qui brillait d’intensité dans la lumière déclinante. Elle avait les cheveux blond comme le sable des dunes en plein soleil.
- Tu n’es pas du désert.
- Grande nouvelle ! Et tu as trouvé ça toute seule ? Je suis nordique évidemment !
Anthalya ignora la pique.
- Tu sais pourquoi je suis là, j’imagine ?
- Tu es mercenaire comme moi, je suppose, alors oui. Combien te paie Jalbert le marchand pour cette mission ?
- Ça ne te regarde pas! Et de plus, je n’aime pas qu’on enlève des enfants. Je l’aurai fait pour rien.
- Je suppose que le marchand l’ignore ?
Un sourire narquois anima les lèvres de la femme. Comme la rougegarde la regardait pensive, la nordique demanda.
- On parle affaire ou on discute jusqu’à l’aube ? Que veux-tu ?
- Simplement savoir où est l’enfant et le ramener à son père. Es-t-il en vie ?
- Pour qui nous prends-tu ? Nous ne sommes pas des assassins d’enfant ! Maître-chanteur, voleurs, mercenaires, mais pas des tueurs d’enfants !
- Toi, peut-être, mais ce n’est pas se qu’on m’a dit de ton compagnon.
- Ce n’est pas mon compagnon. On ne fait équipe que depuis une lune au plus. Je ne l’aime pas mais j’avais besoin d’or et lui d’une acolyte. Et il connaît mieux le désert que moi. Je suis arrivée à Sentinel par bateau, il y a une année environ mais j’ai joué de malchance et je n’ai pas encore pu regagner de quoi me payer mon voyage de retour.
- Joué de malchance ? Joué aux dés plutôt... ou aux cartes ! Tu ignores donc à quel point un étranger peut se faire plumer par mon peuple ? C’est presque une religion dans les villes de l’Enclume !
Cette fois, la colère avait remplacé le sourire narquois de la mercenaire qui semblait râler intérieurement. Anthalya s’approcha de Sherina, s’empara de son bras et la releva brutalement sans que celle-ci ne lâche un son. Elle la guida jusqu’à son campement.
- A combien de jour de marche est Gogan ?
- A trois jours. Il se cache avec l’enfant dans une grotte.
- Qui me dit qu’il ne touchera pas à un cheveux du garçon ? On dit qu’il ne laisse jamais de trace derrière lui. Au mieux, il le vendra comme esclave mais il a déjà tué, ça, je le sais de source sûre contrairement à toi !
- Je ne peux pas te le promettre. Il m’a juré pourtant qu’il n’était pas un assassin, ni un vendeur d’esclave et qu’il aimait les enfants. Je l’ai cru !
- Tu juges bien mal tes complices. Allez, entre sous la tente. Il va y avoir une double tempête et de sable et venant de l’océan.
- Le ciel est clair pourtant.
- Je suis une rougegarde ! Tu doutes de ma paroles ?
Sherina lui lança un regard suspicieux en rampant tant bien que mal sous la toile de lin. Anthalya soupira.
- Tu as peur de quoi ? Que j’abuse de toi ? Que je te torture ? On t’as dit que les nomades étaient des sauvages prêtes à tout ? Une horde indisciplinée et ne jurant que par le sang et les abus de toutes sortes ? Pire que des Orcs ?
S’installant en tailleur aux côté de la mercenaire, elle se pencha sur son visage, son souffle à la limite de ses lèvres et murmura son regard vert plongeant dans le sien.
- Certes, tu es très jolie et j’affectionne les femmes pour ma part, plus que les hommes. Mais ne croit pas pour autant que tu m’intéresses ou que je te vois comme autre chose que ce que tu es. Le moyen d’atteindre mon objectif. Sache aussi que je n’ai jamais forcé personne, j’ai trop d’honneur pour ça. Et entre nous, je n’ai jamais eu besoin de prendre ce qu’on m’offre en général volontiers. Je ne suis pas en manque !
La nordique détourna le regard un tantinet piteuse tandis qu’Anthalya vérifiait ses liens avant de sortir de sa besace un morceau de viande séchée.
- Une petite faim ?
Mais la mercenaire semblait avoir décidé de se fermer au monde et les yeux clos, chercha une position confortable avant de s’assoupir à une vitesse qui surpris même la rougegarde. La guerrière brune, quant à elle, se plongea dans un état de concentration extrême, comme pour vivre chaque instant des violentes intempéries qui approchaient. Les deux tempêtes tombèrent presque en même temps et le monde sembla vouloir se fendre en deux, gémissant depuis le ciel jusque sous la terre. La mercenaire blonde, surement habituée à de tels orages, ne bronchait pas.
Le temps s’écoula jusque avant l’aube et Anthalya du dégager un passage dans le sable pour s’extirper de la tente. Le désert avait changé de paysage. Mais le sang des ancêtres marins et le sang de nomade de la rougegarde lui permettait de se guider sans artifice dans le désert. Un gémissement se fit entendre de sous la toile et une tête blonde en émergea, un peu bouffie de sommeil encore.
- C’est terminé ? Je peux sortir ?
Sans répondre, la nomade se pencha pour l’aider à s’extraire du piège de sable, non sans mal. Sherina grommela quand quelques grains de sables s’engouffrèrent dans sa bouche.
- C’est vrai que j’ai faim mais là, c’est un peu trop croquant !
- Tu as faim, cette fois ?
- Je viens de le dire !
- Assieds-toi !
- Tu ne veux pas me détacher ?
- Pourquoi le ferai-je ?
- C’est pas faux... Je ne t’ai donné aucune raison de me faire confiance. Mais j’ai réfléchis à ce que tu m’as dit. Ce gamin... Il est gentil... Je ne voudrais pas que Gogan lui fasse du mal.
- Et la rançon ?
- De toute manière si le marchand t’a envoyé c’est qu’il ne veut pas payer ! Il tient vraiment à son môme ?
- Il me paiera moi. Il me connait de longue date. Ce n’est pas la première mission qu’il me confie. Il a plus confiance en moi qu’en Gogan. Ton vaurien de complice est aussi réputé pour ne pas rendre ceux qu’il enlève et tuer les porteurs de rançon.
- Oh....
- Oui..Ho...
Un long silence s’établit entre elles alors que Sherina s’asseyait. Anthalya lui tendit quelques morceaux de viande séchées et un fruit qu’elle dévora à pleine dent. Elle bu avec le même empressement. La rougegarde en fit de même puis elles se mirent en route.
Les trois jours de marchent en devinrent deux avec le rythme imposé par la Chevalier Dragon. Les deux femmes avaient fini par trouver une entente tacite, presque amicale. Sherina n’était pas plus un assassin que Anthalya et un respect mutuel régnait dans le duo à présent. La rougegarde avait, parfois, elle-même, mal placée sa confiance. Par nécessité ou faiblesse mais cela lui avait déjà servit de leçon. Elle espérait que la nordique se méfierait un peu plus de ses fréquentations par la suite.
Lors de la troisième nuit, elles arrivèrent à proximité de la grotte indiquée par la blonde mercenaire. Mais Gogan n’était pas seul. Trois Orcs palabraient avec lui. Un enfant à la peau sombre et au cheveux beaucoup plus épais que ceux d’Anthalya semblait faire l’objet de la discussion. A l’abri des regards, les deux femmes les observaient en chuchotant.
- Tu m’avais dit qu’il était seul !
- Il l’était ! J’ignore d’où viennent ces orcs !
- Je te crois. Il va falloir trouver une solution. Il s’apprête à leur céder le gamin.
- Libère-moi !
- Pourquoi faire ?
- Je veux t’aider !
- Comment puis-je te faire confiance ?
- Tu ne peux pas... Attends.. Si...
Sherina attrapa la fine chaine dorée qui ornait son cou et la sortie de sa tunique. Au bout de la chaine, une gemme d’une pureté absolue brillait. Un artefact magique d’une valeur certaine. Anthalya l’avait déjà remarqué sans pour autant questionner la jeune femme à ce sujet.
- Même quand j’ai eu besoin d’or je ne l’ai pas vendue. Elle appartient à ma grand-mère qui m’a élevée. C’est un trésor familial et j’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Prends là ! Tu me la rendras après.
- Et tu me fais confiance ?
- Tu aurais pu me tuer depuis hier déjà voire bien avant. Tu ne l’as pas fait.
- Garde-la... Je vais te détacher.
Anthalya décida à cet instant de lui accorder sa confiance. Mais quelque chose la poussait à croire à sa sincérité. Elle lui détacha les mains avant de demander.
- A présent, on fait quoi ?
- On va voir Gogan....
Surprise par la réponse, Anthalya descendit alors son regard sur la lame que la mercenaire venait soudain de sortir du néant. Appuyée contre son flanc, la pointe avait légèrement pénétré ses vêtements et la guerrière brune sentit une piqure brève suivit d’une chaleur légèrement humide qui succéda au geste de Sherina.
Une sensation de creux violente s’empara de ses entrailles et la rougegarde sentit la peur l’envahir. La peur et la colère. Son regard se planta furieux dans celui, impassible de la jolie fille du Nord
- Tu ne devrais pas faire confiance si facilement, Anthalya... Ça pourrait te perdre ! Allez ! En avant !
Faisant signe à son acolyte, Sherina le héla.
- Cogan ! Je te ramène la rançon et une surprise en prime ! Tu crois que tes amis Orcs seraient enclin à acheter une jolie rougegarde ?
Dans la tête d’Anthalya, tout tournait très vite. Sherina lui avait laissé ses armes, ne lui avait pas lié les mains, parlait d’une rançon qu’elle n’avait pas.... Un léger sourire faillit naître sur les lèvres de la guerrière qu’elle effaça aussitôt lorsque la nordique, postée à ses côtés et tenant toujours sa lame contre son flanc, se tourna vers elle en lui lançant un regard entendu.
- Ah ! Ma nouvelle associée ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! Que me ramènes tu de beau ?
En répliquant, Cogan se dirigea vers elles escorté des trois orcs. Le gamin resta sur place pied et poings liés. Alors que les quatre bandits arrivaient à portée de leurs armes, Sherina bondit la première, suivit de très prêt par Anthalya. D’un commun accord, les orcs furent leur priorité. Cogan, bedonnant, représentait un danger moindre et Sherina se contenta de lui envoyer un rapide coup à la tête pour le sonner un peu et le ralentir s’il fuyait.
Le premier guerrier orc tomba aisément, surpris mais les deux autres dégainèrent leurs haches et masses avec une dextérité étonnante. Anthalya para le premier coup de sa lame droite et en ressentit le choc jusque dans l’épaule. Aussi croisa -t-elle ses lames pour stopper le second coup tout en levant la jambe gauche pour repousser du pied le guerrier imposant de toutes ses forces. Déséquilibré dans un cri rauque, l’orc recula. Anthalya en profita pour prendre un peu plus de distance et libéra brutalement une onde de feu vers la brute qui chargeait de nouveau. Cela ne l’arrêta pas immédiatement mais la rougegarde feinta sur le côté et utilisa la vitesse de son ennemi pour l’envoyer valser au sol. Avant qu’il ne se relève, elle lui planta sa lame entre les épaules.
De son côté, Sherina en terminait avec le troisième orc qui s’écroula à son tour. Les deux femmes se tournèrent alors vers Cogan. Le combat n’avait duré que quelques secondes et le bandit, encore sonné, se remettait à peine du coup et de sa surprise.
Avant même que Anthalya dise quoi que ce soit, la nordique qui s’était emparée de la hache d’un des orcs et la tête du malandrin vola avec une facilité déconcertante.
- Mais pourquoi ? Demanda la rougegarde.
- Je n’aime pas les marchands d’esclave, ni les tueurs d’enfant.
- Nous aurions pu le ramener en ville...
- Le prix est le même pour sa tête que pour lui vivant, je pense. Ça ne changera rien.
- Si tu le dis.
Elles allèrent délivrer l’enfant, fouillèrent les affaires du bandit et s’emparèrent de ses possessions avant de mettre sa tête dans un sac.
Le chemin du retour jusqu’à Dragon Grove où attendait le marchand pris un certain temps que les deux femmes mirent à profit pour mieux se connaître. La présence de l’enfant leur évita toutefois de se rapprocher autant qu’elles auraient peut-être souhaité. Une fois en ville, Anthalya récupéra la récompense pour l’enfant et laissa celle qui concernait la tête de Cogan à Sherina.
C’est en silence qu’elles se retrouvèrent autour d’un verre à la taverne où Sherina avait loué une chambre. Après la seconde bière avalée sans un mot, ce fut la nordique qui brisa la chape qui s’était abattu sur leurs épaules. Son regard se posa dans celui de la rougegarde.
- Tu repars ce soir ?
- Oui... Rien ne me retient en ville.
- Rien... Vraiment ?
Le ton semblait léger mais l’hésitation dans sa voix était évidente. Un léger sourire naquit sur les lèvres d’Anthalya. Sans quitter le regard bleu, elle se pencha doucement vers la jeune femme et murmura sur le ton de l’humour.
- Tu n’as plus peur des abus possibles d’une sauvage du désert ? Les guerrier du nord ne sont donc pas aussi superstitieux qu’on le croit !
Mais son humour tomba à plat. Vexée, à la fois par le ton de la remarque et le fait qu’Anthalya élude volontairement toute réponse, Sherina se leva brutalement. La tête lui tournait un peu après l’entame de sa troisième bière. Elles n’avaient rien avalé depuis tôt le matin et la boisson était traitre.
- Et bien, adieu... Et rentre bien !
Alors qu’elle se dirigeait d’un pas décidé et rapide vers sa chambre située au rez-de-chaussée, elle entendit le pas de pressé d’Anthalya derrière elle.
- Laisse-moi ! Puisque rien ne te retient ici...
Alors qu’elle poussait la porte de sa chambre la main de la rougegarde se posa sur son épaule, l’obligea à se retourner et elle se retrouva plaquée contre le mur du couloir. Anthalya trouva son regard et le captura dans le sien avant de venir s’emparer de ses lèvres. Son baiser fut d’abord doux, soyeux puis devint plus sensuel et possessif. Sherina sentit le sol s’ouvrir sous ses pieds alors que le désir s’emparait d’elle et que leurs mains s’égaraient déjà.
La chevalier dragon l’amena doucement jusqu’à la chambre, sans cesser de l’embrasser avec passion, sa langue mêlée à la sienne et le souffle aussi court que sa compagne.
Puis la porte se referma sur elles gardant le secret d’une nuit qui, à présent, n’appartenait plus qu’à elles.
- Traversée du Désert. Une missive bien secrète... (En cours):
Partie 1
Anthalya passa une main poussiéreuse sur son front comme pour chasser une goutte de sueur imaginaire et rencontra l’épaisseur de la toile qui l’entourait. Comme tout Rougegarde née au sein du désert, son corps et sa peau savait conserver au mieux l’eau salvatrice qu’elle s’obligeait à ingérer régulièrement mais de manière espacé et à gorgées mesurées. En silence, les lèvres closes pour éviter de rendre au sable l’humidité de son air, elle se remit en route.
Il faisait aussi chaud que dans un four sous les rayons de Magnus et l’alternance de dunes et de cailloux aurait mise à rude épreuve toute constitution étrangère au désert. Ses yeux n’étaient plus que deux failles aux reflets verts afin d’atténuer la vivacité de la luminosité ambiante.
Elle remontait vers le nord. Vers Sentinelle. Elle tapota machinalement la missive glissée dans sa ceinture et magiquement scellée. Son employeur du moment, un Noble dont elle devait taire l’origine comme le nom, lui avait confié un message pour l’un des hauts dignitaires de la Forteresse. Le rendez-vous était prévu entre les petites villes de Bergame et Lainlin et non au Palais fortifié. Sans doute pour des question de confidentialité.
De toute manière Anthalya n’aimait guère les grandes villes, alors la Capitale ! Elle n’y avait encore jamais mis les pieds mais on racontait qu’une immense et unique grande rue traversait toute la ville de son Port à ses Portes. Ça devait être impressionnant étant donnée la taille de la ville.
Comme tout bon nomade, elle aurait dut faire le chemin à cheval et se sentait quelque peu nue de ne pas sentir la puissance de son hongre sous elle et la sensation de liberté procurée par le grand galop. Mais, cette vieille carne grise, qu’elle avait hérité en paiement d’une ancienne mission, avait fini par rendre l’âme au pire moment. Heureusement, il y avait, avant Bergame, sur la côte de la Baie d’Iliaque, un campement de marchands nomades où elle savait trouver une monture. Si bien sur, Bodéan n’avait pas avancé son départ. L’ensemble de ses économies allaient surement y passer mais après tout, la richesse n’était pas son objectif premier.
Elle aperçu les tentes du campement familier avant même qu’un des éclaireurs. Il n’y avait chez elle aucune volonté de se cacher car Bodéan et elle avaient, avec le temps, tissé un lien un peu plus amical que commercial. D’ailleurs, c’est lui-même qui l’accueillit.
Elle regarda s’avancer vers elle ce rougegarde immense et large d’épaule couturé de cicatrices et imberbe tant sur le torse, que sur la tête et le visage. Buriné par le désert, il semblait plus vieux qu’il n’était en réalité. Un grand sourire illuminait le visage de l’homme et elle détacha sa chèche pour qu’il la voit lui rendre la pareille.
- La paix sur toi et les tiens, Lança-t-elle à Bodéan alors qu’il levait la main en signe de paix pour répondre à sa salutation.
- Paix et honneur pour toi, ma sœur. Accepteras-tu mon hospitalité ?
- Ton hospitalité et un cheval également ! Je ne suis pas une Trail’r pour marcher ainsi dans le sable et les regs. Mon hongre est mort hier malheureusement.
- Tant que tu gardes tes lames, ton honneur est encore sauf, mon amie !
Répondant par un signe de tête, Anthalya pénétra sous la tente.
Quelques temps plus tard, après avoir fait quelques ablutions pour se dépoussiérer et s’être installée en tailleurs sur les tapis colorés, alors que l’épouse de Bodéan, Chalone, qu’elle avait chaleureusement saluée, lui servait leur repas avant de s’éclipser pour les laisser parler affaires, Anthalya entama les pourparlers.
- 10 000 pièces d’or c’est beaucoup trop, répliqua-t-elle à la énième proposition de Bodéan. Tu oublies bien vite les services que je t’ai souvent rendus sans jamais exagérer mes tarifs !
- C’est vrai que tu es honnête et tu sais prendre des risques mesurés pour mener à bien tes missions. Finit-il par reconnaître. Mais 10 000 c’est déjà sous le prix normal d’une monture digne de ce nom !
- Allons ! Je ne suis pas un étranger que tu vas pouvoir abuser ! Tu ne vends pas plus de 12000 pièces tes montures, en ville, et 8000 à ceux de ton camp. Fais-moi le même prix !
- C’est qu’en ville, je ne vends jamais mes meilleures montures et tu le sais. Je les garde pour moi, mes proches et ceux de ma horde, c’est tout. Et même si je te considère un peu comme de ma horde...
- Ah ! Tu te pièges toi même, mon ami ! Tu ne peux pas me considérer comme une des tiennes et me faire un prix différent !
Lâchant un sourire charmeur et légèrement moqueur à son attention, elle le vit rougir de confusion avant de se lever en lui tendant le bras. Il scellèrent le marché en se serrant l’avant bras.
- D’accord, 8000... Mais viens voir celui que je te réserve. Ce n’est pas le plus facile, il est marqué de cicatrices, comme nous, mais il est jeune, rapide et solide.
- De cicatrices ?
- Oui ! Un vrai cheval rougegarde ! Il cherche à montrer à tous les autres mâles qu’il veut être le roi du cheptel. Il perd de temps en temps surtout contre mon meilleur étalon mais il y revient systématiquement.
- Il est débourré ?
- Justement non ! Je te laisse ce plaisir... Au moins tu l’auras à ta main !
L’étalon était exactement comme Bodéan lui avait décrit. Couleur sable de la queue aux oreilles, il piaffait à l’écart des autres chevaux comme un jeune smilodon joueur.
- Tu aurais pu le mettre à part non ?
- Pourquoi ? Autant entretenir sa résistance et sa combativité. Il fera un excellent cheval de bataille.
- Puis-je ?
Bodéan l’invita d’un geste à pénétrer dans l’enclos alors que quelques uns de ses hommes tendaient une corde entre l’étalon et les autres pour les séparer et laissé assez de place à Anthalya. Ôtant sa ceinture, ses armes qu’elle confia à son ami et sa cape de couleur beige, la guerrière ne conserva qu’une corde qu’on lui donna et s’approcha de l’animal. Reculant en pas de côté, le regard méfiant et la tête secouée de mouvements nerveux, l’étalon fini par être acculé à la barrière.
La rougegarde prenait malgré tout son temps, habituant l’animal à sa proximité jusqu’à n’être plus qu’à un pas de lui. Elle avança la main et il se laissa flatter, penchant vers elle une tête curieuse mais toujours méfiante. Posant la main gauche sur son encolure en saisissant ferment la crinière, avec juste un peu d’élan et à l’aide de son autre main sur la croupe équine, elle s’éleva, passant la jambe par dessus l’animal pour terminer à crue. Elle resserra aussitôt ses cuisses sur les flancs du cheval et se pencha en avant, délaissant finalement la corde pour ne tenir que la longue crinière.
L’étalon n’avait pas apprécié la manœuvre et rua presque aussitôt, cherchant à se débarrasser d’elle. A la quatrième ruade, Anthalya se sentit glisser vers la droite et chercha à réajuster sa position. Mais c’était sans compter sur l’animal qui recula jusqu’à la barrière et obliqua vers elle, la coinçant dans une position précaire. Elle ne pouvait arrêter la chute. Lâchant la crinière, elle attrapa un barreau de la palissade juste avant de tomber à terre et passa de l’autre côté aussitôt, avant que l’étalon ne vienne s’y appuyer violemment de tout son poids.
Un genoux à terre, essoufflée, elle se releva et repassa dans l’enclos alors que le marchand rougegarde et son clan s’esclaffaient.
- Alors ? Tu ne sais comment rester sur un cheval ? Je peux te vendre un mouton si tu veux ! Se gaussa Bodéan.
Elle lui lança un regard déterminé avant de retourner vers sa future monture qui reculait vers la corde tendue.
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Partie 2
L’étalon cherchait à se dérober mais la rougegarde ne lui laissa pas le loisir de la déborder, limitant son espace en gardant les bras grands ouverts et en lui faisant constamment face. Dés qu’il se sentit acculé et chercha à s’esquiver en passant sur son côté gauche, elle bondit, agrippa sa crinière et réussi à l’enfourcher. Il se cabra comme la première fois mais elle assura sa prise et la pression de ses cuisses se fit plus forte. Luttant avec toute la force de ses bras et de ses jambes, elle s’engagea alors dans le plus difficile duel qu’elle ait du mener contre un cheval.
Son souffle devenait court, ses muscles se tétanisaient de crampes et elle avait l’impression que la bataille durait depuis une éternité, lorsque soudain, l’étalon déclara forfait et se calma, tête baissée, essoufflé et las. Il la reconnaissait comme son vainqueur. Tout en maintenant la bête sous la pression de ses cuisses et de ses mains, Anthalya lui fit faire le tour de l’enclos plusieurs fois, sous plusieurs allures. Il se rebiffa une ou deux fois mais fini par être totalement docile à sa main.
Revenant vers Bodéan, elle mit enfin pied à terre sous les ovations des rougegardes et de son ami.
- Je suis épaté ! Tu sais combien de mes hommes ont essayés avant toi ?
- Vraiment ? Tu voulais me vendre un étalon impossible à dresser ou tu avais confiance en moi ?
- J’avais confiance et je savais que contrairement à eux, tu n’aurais pas peur de l’humiliation et essaierais jusqu’à réussir ! Dés la première chute, ils ont tous déclaré que ce cheval ne serait jamais bon à rien et ne valait pas son prix. Ils avaient tort ! Tu as là la meilleure des montures et pour 10 000 pièces c’est donné !
- 8 000 pas 10 000 ! N’essaie pas de m’entourlouper...
Un large sourire éclaira le visage de Bodéan.
- Je voulais juste voir si ta chute ne t’avait pas fait oublier notre marché.
- Hmmm
- Allez ! Sois mon hôte jusqu’à ton départ ! Tu peux rester autant que tu veux.
- Je vais me contenter d’une toilette et de quelques provisions, ma mission est urgente.
- Comme tu veux ! Je t’offre une bonne selle, un harnais et un sac de voyage supplémentaire avec le cheval. Tu m’as impressionné aujourd’hui.
Hélant un de ses hommes, le marchand lui fit préparer ses affaires alors qu’elle allait se rafraîchir. Son étalon l’attendait. On l’avait fait manger, boire et il avait été étrillé et ferré. Elle devrait le ménager afin qu’il récupère de leur violent exercice mais il serait vite en forme. Elle l’enfourcha et après avoir salué son ami, se remit en route.
Lorsque la nuit tomba, même au petit trop, elle avait parcouru beaucoup plus de chemin que prévu. Sa monture était rapide comme le vent du désert. Elle installa rapidement son bivouac sur la face Ouest d’un gros rocher, dans le reg. Durant la nuit, il rendrait un peu de la chaleur offerte par Magnus dans la journée. Elle attacha son cheval à la tente avec une longe assez grande et s’enroula dans sa cape en se couchant sur son matelas peu épais, ses cimeterres au côté. Si elle avait des lames dissimulées dans ses protège poignets recouvrant ses avants bras, elle gardait malgré tout un arsenal d’armes plus classiques à portée de main.
Alors qu’elle dormait d’un sommeil profond, un bruit inhabituel succéda au silence désertique lourd d’Alik’r, sous le ciel nocturne à peine éclairé par les deux lunes de Nirn. Son inconscient la tira aussitôt du sommeil et elle se redressa, s’armant immédiatement de ses armes. Elle s’extirpa sans bruit de la tente. Son cheval semblait donner des signes d’inquiétude. D’un claquement de langue auquel elle l’avait habitué durant la première partie de leur voyage, elle lui intima de rester immobile et silencieux. Il s’exécuta comme si l’ordre était enregistré depuis des années, ce qui en disait long sur sa capacité d’apprentissage et la confiance qu’il avait en elle. Elle s’en félicita.
Avançant en position accroupie, elle fit le tour du rocher en douceur et s’avança vers la Dune de derrière laquelle provenait le bruit. Ce qu’elle aperçu la fit brusquement frémir et son estomac se noua alors qu’une sueur froide la faisait frissonner. Ne croyez pas qu’un rougegarde n’a jamais peur ! Du moins s’il a un cerveau. Mais il sait maîtriser ses peurs pour en faire une force et c’est ce qui fait de lui un guerrier solide Cette fois, Anthalya allait devoir faire face à une peur qu’elle n’aurait jamais voulu connaitre. Elle sera plus fortement ses cimeterres, lançant une prière mentale à Onsi pour lui donner le courage et une autre à Satakal et à Tu'whacca pour qu’ils l’aident à se débarrasser des abominations puis bondit comme un chasseur à l’affût se jette sur sa proie.
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Partie 3
Son premier coup trouva le vide. Les morts-vivants étaient plus rapides qu’elle ne l’avait anticipé. Heureusement pour elle, le déséquilibre qui s’ensuivit lui évita de prendre l’épée du soldat momifié en pleine tête. Elle plongea vers l’avant et se releva après un rouler-bouler maîtrisé. Elle pu alors constater que ses ennemis venus d’outre-tombe n’étaient qu’une dizaine. Certes, c’était déjà beaucoup, mais pas insurmontable dés lors qu’on éludait le fait qu’ils n’étaient qu’amas de chairs recouverts de bandages troués, noircis de saletés et puant, avec à la place des yeux, des orbites évidées grouillantes de vers blancs immondes.
Profitant de son passage au sol, elle faucha quelques jambes squelettiques. Les soldats de la mort n’étaient pas très réactifs malgré leurs coups rapides et à bien y regarder , ces coups tapaient bien plus souvent le vide que la cible visée, surtout quand elle était aussi mobile qu’Anthalya. La guerrière acheva les trois morts-vivants à terre en leur tranchant le cou puis, prenant appui sur le sol, les mains serrées sur la poignée de ses armes, elle éleva les jambes et tourna sur elle même, fouettant l’air et par là même, envoyant valser quatre assaillants supplémentaires.
Quatres dagues surgirent de sa ceinture à une allure foudroyante pour se planter dans le cou de ses nouvelles victimes, leur sectionnant les vertèbres cervicales. Soudain, le plat d’une épée frappa avec force son omoplate droit et remonta vers sa tête, lui entaillant le cuir chevelu. Serrant les dents sous la douleur vive et conservant in extremis sa lame droite en main, malgré l’ankylose due au coup, elle se retourna et décapita le soldat aux yeux vides qui la fixait en bavant un pue verdâtre, signe qu'il était en état de décomposition avancé mais pas encore à l'état de squelette.
Il en restait trois. Ce ne fut, finalement, qu’une formalité. Une fois qu’on savait anticiper leur vitesse de frappe et leur imprécision, ces démons sortis de terre n’étaient pas si dangereux.
En revenant vers sa monture et sa tente, la rougegarde ne cessait de se poser des questions sur l’origine de ces morts vivants. Outre sa mission, elle avait enquêté sur Tamriel pour le compte de son commanditaire et en sus de la lettre secrète, devait lui faire un rapport sur ce type d’étrangetés... Où, quand, comment et surtout, qu’elle était son opinion à elle. En cela, celui qui la payait pour cette mission lui faisait confiance. Ils se connaissaient depuis assez longtemps pour qu'entre eux se soit établi une confiance mutuelle même si c'était la première fois qu'il lui confiait une mission.
Leur relations avaient été jusque là basées sur tout autre chose et il était celui qui se rapprochait le plus, avec sa femme, de ce qu'elle considérait comme une famille. C’est pour cette raison qu’il avait fait appel à elle et non à d’autres pour étudier les phénomènes étranges qui prenaient de l’ampleur depuis quelques temps. Trop de choses semblaient sortir de l’ordinaire. On parlait de plus en plus de l’influence de nécromants sur Tamriel, certains même envisageaient la possibilité d’une arrivée du néant sur ce monde...
« Par la suicidé Yokuda ! » Songeait-elle. « Pourvu que tout ceci ne soient qu’affabulation et visions de faux mages ! »
Malgré tout, il serait bon d’en référer aux autorités ou, à tout le moins,à ceux qui détenaient le pouvoir sur ces terres de l’Alliance des Dagues Filantes, à commencer par son mandataire. D’autant qu’elle avait été confrontée plusieurs fois depuis quelques lunes à des choses qui lui faisaient froid dans le dos.
Elle plia ses affaires et sella son cheval après s’être nettoyée le cuir chevelu et avoir mis un peu de baume sur son omoplate traumatisé. Ces blessures étaient bénignes et elle n’allait pas s’arrêter là, en si bon chemin.
Sollicitant son étalon de la langue, elle repris la direction de Bergame. Elle y parvint quelques longues heures plus tard, soulagée que la route ait été calme après les derniers événements et ses pas la conduisirent naturellement de l’écurie à l’auberge après quelques soins donnés à son cheval. Elle y passa une nuit réconfortante, le ventre plein et le corps épuré par un bon bain et ne se réveilla que quelques heures après l’aube alors que Magnus était déjà proche de son midi.
Quand elle descendit dans la salle commune, l’aubergiste l’invita à s’asseoir avant même qu’elle commande quoique ce soit, ajoutant que son repas l’attendait. Étonnée, elle lui demanda ce qui lui valait une telle considération et ce dernier lui tendit une enveloppe.
Elle s’assit à sa table et tout en déjeunant, lut la missive assez courte. En résumé, le lieu du rendez-vous avait changé et elle était attendue directement à Sentinelle. On la prévenait que sa mission aurait une suite et qu’elle serait rémunérée en conséquence. En attendant tous ses frais à l’auberge comme à l’écurie, avaient été pris en charge par son commanditaire et elle trouverait à l’écurie, avec sa sellerie, de quoi se vêtir pour être présentée à la noblesse de Sentinelle.
Ruminant les derniers ordres implicites, Anthalya ne pouvait se départir d’une certaine colère. Elle n’aimait pas l’imprévu et pensait qu’aujourd’hui serait la fin de sa mission. Au lieu de ça, elle devait repartir sur la route mais également se préparer à ses premiers pas parmi la noblesse de Sentinelle.
Malgré sa bonne éducation, elle n’avait jamais porté de robes, ni de tenues habillées. Elle n’était pas faite pour ce genre de mondanités. Toutefois, elle sentait que la lettre recelait un message caché. Celui qui lui avait commandé la mission semblait n’avoir pu, plus longtemps, dissimuler ses actions. Il n’avait d’autre choix que de partager certains éléments avec ses pairs, ou du moins certains d’entre eux, et cela obligeait Anthalya à lui remettre la missive secrète et le rapport qu’elle devait lui faire devant d’autres témoins de la noblesses.
Avalant sa dernière gorgée de bière, elle se leva et remercia d’un signe de tête l’aubergiste. Puis elle remonta prendre ses affaires dans sa chambre et s'en fut dans la direction des écuries. Le paquet d’habits nobles était là comme prévu. Elle se contenta de l’attacher à sa selle comme le reste de ses affaires. Le plus important était, pour le moment, de rallier Sentinelle au plus vite.
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Partie 4
Longer la côte était surement l’option la plus logique pour rallier Sentinelle. Menant sa monture avec constance, au petit trop la plupart du temps, Anthalya réfléchissait au changement de plan dont elle était victime. Même si elle savait faire confiance à son commanditaire et à son jugement, elle espérait pour autant qu’il ne s’était pas trouvé avec, à ce point le couteau sous la gorge, qu’il avait été contraint de prendre une décision trop risquée et de se fier à des individus moins enclins à servir la justice et l’honneur des rougegardes que lui.
Nombreux étaient ceux qui, parmi la noblesse ou la bourgeoisie de Sentinelle avaient oubliés leur racines et préféraient se promouvoir au sein de la société à coup de pièces d’or et de pot de vins ou menaces, plutôt que de se faire une place en comptant uniquement sur leur capacités et avec franchise et honneur. Les jeunes de sentinelles passaient de moins en moins souvent l’épreuve et quand ils le souhaitaient, personne n’attendait réellement leur retour avec les honneur dus à ce rite de passage. Si cela donnait encore du poids à ceux qui le réussissait, cela n’était en rien garant de leur valeur, du moins, au sein d’une société comme Sentinelle.
Bien sûr, il existait encore des hommes de valeurs, anciens comme jeunes nobles élevés avec des idéaux qui paraissaient peut-être surannés pour ceux qui oubliaient Yokuda, mais il n’y avait qu’en eux que Anthalya acceptait de placer une certaine confiance. Rien n’était pire pour elle, et c’était là sa réserve principale envers l’obligation de mettre les pieds dans la capitale, que de devoir accepter le mépris de ceux qui ne savaient plus rien du courage et de la fierté rougegarde et la regardait presque comme une indigente.
Il y avait eu un moment de sa vie, où, démunie, Sentinelle avait été son port de salut, mais elle avait du à la générosité de son commanditaire et ami de ne pas terminer dans une geôle ou se faire battre à mort par les hommes de mains de quelques bourgeois qui avaient tout oublié de l’honneur du désert et des nomades qui y vivaient. C’était un peu comme si la société rougegarde s’était scindée en deux parties distinctes, formant deux peuples qui n’avaient en commun que la race et ce continent d’adoption.
Le soir tomberait dans quelques heures mais Anthalya décida d’installer son bivouac un peu plus tôt qu’à son habitude, à l’écart d’un village de pêcheur amical. Elle serait à Sentinelle le lendemain à mi journée et elle préférait cela que d’y arriver de nuit. Elle se ravitailla en poissons auprès de quelques pêcheurs, pour le diner du soir et occupa sa fin de journée en profitant de la mer qui lui faisait face. Délaissant ses affaires pour ne garder sur elle que le plaisir de l’air, elle se jeta à l’eau, se débarrassant avec un bonheur évident de la poussière du désert.
Plongeant sous les vagues, se propulsant avec force, elle goûta au plaisir du courant sur sa peau, avec délice. Dans ses moments là, elle se sentait plus libre que jamais. Elle refit surface, un sourire révélant ses dents blanches et faisant briller ses yeux verts d’eau. D’un geste chargé d’habitude, elle ramena sa chevelure noire et les mèche rabattue par l’humidité vers l’arrière de sa tête, dégageant plus encore son visage fin.
Son cheval, qu’elle ne prenait même plus la peine d’attacher, vint à sa rencontre pour s’ébrouer dans les vagues avec elle. Alors que Magnus descendait à la limite de l’horizon, tel un tableau aux couleurs rouge et or, l’étalon sable et la rougegarde émergèrent, de l’eau, un long moment plus tard, comme renouvelés par l’onde salée.
Le poisson, grillé au feu de bois était succulent et accompagné de quelques condiments et racines choisies, il était encore meilleur. Après avoir nourrit sa monture et vérifié les quelques pièges simples qui permettraient de révéler d’éventuels intrus, rares en ces lieux, cela dit, Anthalya prit place sur son couchage et s’assoupit, gardant néanmoins à porter de main, ses lames qu’elle avait pris le temps d’aiguiser.
A l’aube, un léger vent marin la réveilla naturellement. Elle se sentait en pleine forme. Elle fit son paquetage, sella son cheval et remis les pieds à l’étrier. La première heure se passa calmement et elle laissa l’étalon galoper sur la plage pour lui faire plaisir, appréciant le souffle de l’air chargé d’embruns sur son visage et cette sensation unique de décoller du sol à chaque foulée. Soudain, sa monture fit une embardée et stoppa sa course, manquant de la faire desseller. A peine Anthalya aperçut-elle le soleil se voiler et un tourbillon noir se former au dessus d’elle, une centaine de pas plus loin, qu’elle força son cheval à prendre la direction des falaise. Elle sauta au sol et tenant l’étalon apeuré par son harnais, elle trouva un chemin qui rejoignait le sommet de la paroi rocheuse. Elle remonta en selle et parcouru les dernières foulée qui lui permettrait de s’installer pour un meilleur point de vue.
Un groupe d’invocateurs et mages nécromants hurlait des paroles étranges dans un tourbillon de vent chaotique. Au dessus d’un puits sans fond, un corps en lévitation apparu soudain alors que des runes prenaient vies autour des murets entourant ce même puits. Soudain un large éclair, comme alimenté par le corps lévitant, s’éleva en colonne vers le ciel, pénétrant un immense portail auparavant dissimulé par l’ombre. Aveuglée par la lumière trop vive, Anthalya ferma les yeux quelques secondes pour les rouvrir au son déchirant qui frappa le sol. Une ancre géante, arrimée par une chaine principale et deux chaînes de petites tailles, au portail tournoyant dans le ciel, s’était plantée dans le sable de la plage.
Bientôt, dans un vacarme assourdissant, quatre ancres finirent par relier le néant à Tamriel.
Les invocateurs semblaient saisis par l’apparition ou dans l’attente de quelque chose. Soudain, le portail se mit à les aspirer un par un comme pour s’en nourrir. L’endroit resta désert une fraction de seconde puis des daedras en nombres surgirent du néant avec, parmi eux, quelques ogrims et un daedroth, prêts à occire les premiers importuns venus. A leur vue, Anthalya ne put s’empêcher de ressentir de l’appréhension.
Seule, elle ne pouvait intervenir, elle ne pouvait que signaler le phénomène, un de plus, à Sentinelle quand elle y serait très bientôt. D’ici là, il fallait espérer que des groupes de mercenaires avides de récompenses ou quelques guerriers courageux se décideraient à attaquer ces monstres venus d’Havreglace. Mais la menace de Molag Bal et d’Oblivion se faisait de plus en plus présente et il était plus que temps pour les « grands » de ce monde d’en saisir l’urgence, si ce n’était déjà fait.
Reprenant sa route sur son étalon encore nerveux, Anthalya le lança au triple galop afin de rallier au plus vite la capitale. Il n’était que temps!
(à suivre)
- Extrait du journal d'Anthalya - États d'âmes 1:
J'ignore ce qu'est pour d'autres la guerre et la mort. Pour moi, c'est plus un quotidien, une habitude qu'autre chose. J'ai toujours vécu avec. Je n'en ai pas peur même si je refuse de l'ôter lorsque cela n'est pas nécessaire. La vie d'un rougegarde du désert n'a rien à voir avec celle que vivent les citadins même si je la considère comme tout aussi précieuse.
Je n'ai pas toujours un toit au dessus de ma tête même si j'ai vécu cette vie dans ma jeunesse et que j'ai conservé la maison de mon père. Aujourd'hui, mes chasses et mes missions ont à la fois un goût de liberté et de plus en plus souvent, malheureusement, un goût de sang.
Depuis un moment déjà, je sens des forces qui s'éveillent et qui ne sont pas de celles que j'ai envie de côtoyer. Il y a quelques lunes, j'ai croisé un homme qui semblait parler avec la voix d'un autre. Il disait voir un monde qui n'existe plus à travers les yeux d'un tyran dont il ignorait le nom.
Le lendemain, je l'ai retrouvé pendu par des villageois qui avaient pris peur de lui et de ce qu'ils pensaient être une prophétie.
J'ai toujours dit et je le répète, je ne suis pas un scribe, mais mon père m'a donné l'amour des mots. Lui, le guerrier imperturbable et si froid en apparence avait pour les livres comme un amour jamais assouvi. C'est un peu pour lui qu'aujourd'hui, j'écris, dans ces deux poèmes, ce que m'a inspiré ce tyran dont ce vieux prophète semblait possédé et la mort absurde de ce misérable vieillard.L'ENFER d'UN TYRAN
Douleurs. Tortures. Souffrances. Inextricable enfer.
Je porte les stigmates de mon hérésie.
Plus rien n'existe, rien de cet autre univers
Qui m'a vu me commettre en Tyran fou, haït.
J'ai cru porter la foi d'un peuple qui m'aimait,
J'ai crucifié des âmes à mes rêves de gloire.
J'ai brûlé des symboles et construit des Palais
J'ai fait à mon image statues et étendards.
J'ai accepté l'offrande sur lit de festin
De ceux qui chaque jour périssaient de la faim.
Et j'ai creusé des tombes sans remord, sans chagrin,
Pourvu que mon pouvoir règne sur tout destin.
J'ai inventé un Dieu et j'ai volé son nom,
Adorant les vestales, les vierges et l'innocence,
Que lentement je crucifiais à mes passions
Sans que honte jamais n'effleure ma conscience.
J'ai vécues les orgies, les jeux les plus perverses,
Les rites les plus vils, les abus les plus grands.
J'ai tué de mes mains, fait pleuvoir sang à verse,
Attendant que les miens m'adulent en géant.
Mais l'orgueil étouffant a eut raison de moi
On ne peut être un Dieu et humain à la fois.
J'ai montré ma faiblesse devant plus fort que moi,
Devant plus juste aussi, plus honnête et plus droit ;
Que justice triomphe et que chacun le voit !
Moi, je paie pour mes fautes, renversé sous leur poids.
Douleurs, Tortures. Souffrances. Je vous mérite encore
Pour expier ma vie, je dois vivre ma mort.
La tyrannie fut mienne, une autre est mon bourreau
Les cris qui me déchirent, ne sont point d'un héro.
Je suis lâche, je suis faible et plus que tout, abject,
Le Néant est mon maître, il avait mon respect,
Je paie l'adoration que je lui ai voué.
Si je ne me pardonne, puisse-t-on me pardonner.LE GIBET
Les sables du désert, déchirés, soufre et sang
Ont gardé, sous l’écorce, les traces des enfers,
Par les âmes damnées, os nacrés par les vers,
Quand les cris se sont tus, là où sont les gisants.
Ils seront seuls témoins, compagnons des errants
Qui passeront au loin sur cette terre aride,
De ce défunt fantôme au squelette livide
Oscillant impassible à l’ombre du géant.
Balance-toi, défunt, je prierai pour ton âme ;
Balance-toi, sans fin, à ce gibet des larmes.
Quand le vent les dessèche, abrégeant leur futur,
Sous le poids du silence, fardeau pliant les branches,
L’ombre furtive et lente, compte les heures blanches,
L’air est chargé d’attente et de râles qui furent.
Balance-toi, défunt, je prierai pour ton âme ;
Balance-toi, sans fin, à ce gibet des larmes.
Après avoir brisé leurs chaînes, si lourdes peines,
Les âmes crucifiées s’envolent dans les airs.
D’existences amères en passions souveraines,
Tous ces rêves perdus vous traînent aux enfers.
Dernière symphonie arrachée à la terre,
Le dernier souffle sonne, glas sourd et mortuaire.
Balance-toi, défunt, je prierai pour ton âme ;
Balance-toi, sans fin, à ce gibet des larmes.
Errants, vous qui passez, près de celui qui fut,
Gardez à tout jamais au fond de vos mémoires,
Bien plus que ses méfaits et plus que son histoire,
Le regret aux yeux vides, sur le corps du pendu.
Dernière édition par Anthalya le Jeu 13 Mar - 14:28, édité 10 fois (Raison : Mise à jour (suite) de Traversée du Désert)